Dédicaces à Bletterans pour le livre « Histoires d'un médecin jurassien », recueil des histoires souvent croustillantes de François Perrodin, médecin généraliste et maire de Bletterans. Je suis l'auteur de ce livre mais l'un des deux éditeurs, réputé pour son indélicatesse, a omis très volontairement d'indiquer ce « détail » si capital dans l'édition.
Bref, nous partons donc en direction de la ville lumière, fief des Perrodin et Perraudin, capitale du poulet à pattes bleues. Une délicieuse pintade dorée et fondante nous régale sous un soleil de plomb, typique soleil bressan dont le Grandvaux n'a même pas idée.
Un verre de vin renversé malencontreusement transforme ma belle robe de signature en éponge à vinasse, malheur... J'endosse une robe noire du plus bel effet et je laisse ma pauvre belle-sœur à la lessive pour amorcer la descente en ville.
Là, c'est hallucinant. La rue Louis le Grand était pleine de pèlerins, errant un livre sous le bras. Ils se dirigeaient tous chez le libraire où trône sur le trottoir une grande table de bois recouverte d'affiches du livre magnifique. Une affiche plus grande encore indique en lettres capitales « dédicaces du livre François Perrodin » et « par Françoise Desbiez » en lettres encore plus capitales.
Et une queue se forme qui s'allonge sans cesse. De la foule émane un doux murmure: Perrodin, Perrodin...
Nous prenons place, François n'arrive pas. Une vieille dame soupire « on l'a attendu toute notre vie, on va bien l'attendre encore... »
Enfin, à 14h 20, il apparait au coin de la rue et la foule s'exclame dans un soupir heureux « voilà François... »
Il prend place majestueusement et les dédicaces commencent, chacune finement personnalisée par ses soins, faisant appel aux parents, aux grands-parents, et même aux mânes des arrière-grands-parents. C'est le Bletterans éternel qui défile sous nos yeux. Embrassades et vieilles familles... François me susurre les caractères marquants de chacun, l'identité de sa famille, ses tenants et aboutissants. Un grand nombre de dames d'âge mûr jurent qu'elles l'ont personnellement tenu sur leurs genoux et langé. François baigne dans toute cette tendresse sans cesser d'expliquer « remerciez Françoise, l'auteur qui a fait tout le travail... » Je réponds derechef sur le bonheur d'interviewer pareil conteur, et son accent, ah son accent!...
On l'entend rouler les rrrrr dans ce livre, affirmait une petite dame en transes... Moi, j'ai passé la nuit à le dévorer, je ne pouvais plus m'arrêter, affirme une autre. A quand le tome deux? s'exaltent certains... Et le libraire couve la scène d'un œil réjoui, la machine enregistreuse tourne avec des gling gling joyeux. De l'autre main, il sert des jus de fruits et du mousseux, lequel coule à flots. Je commence à ne plus très bien savoir où je suis!...
Sur le coup de 16 h, une brève accalmie fait croire au tarissement. Mais le libraire amène une pile d'une bonne cinquantaine: des livres retenus à dédicacer... François allume un cigare mais à peine a-il tiré deux bouffées que la foule revient encore plus nombreuse et fervente. Re-embrassades et cela dure jusqu'à des 18h 20... François commence à fatiguer, moi aussi. Le soleil baisse.
On est remonté sous un ciel intensément bleu. C'est l'été même en Grandvaux.
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